Une cour d’école maternelle enfin rénovée, mais d’un autre temps. Quelle occasion manquée !

Le 27 septembre dernier, les élus communaux ont été invités à découvrir les travaux de rénovation et d’embellissement des locaux du groupe scolaire Georges Dortet, réalisés pendant l’été. La visite s’est poursuivie dans la cour de l’école maternelle, rénovée durant l’été 2021, et de nouveau modifiée cet été.

Pourquoi la cour de l’école maternelle aurait dû être rénovée tout autrement ?

Les vagues de chaleur étant de plus en plus fréquentes et intenses, les initiatives communales se multiplient depuis plusieurs années pour réaménager les cours de récréation des établissements scolaires. Beaucoup s’inspire des cours « Oasis » issues de la stratégie de résilience de la ville de Paris, adoptée en 2017. et plus particulièrement de leur cahier de recommandations et de leur plan d’usages.
Les métropoles françaises ont toutes emboité le pas de la capitale, comme de très nombreuses communes de toutes tailles. Selon le communiqué de presse de l’Observatoire des villes vertes du 27 juillet 2021, « presque la moitié des villes répondantes lors de la 9e vague de l’Observatoire envisage ou a déjà débuté le verdissement des cours d’école ».

Repenser l’aménagement de ces espaces dans lesquels les élèves demi-pensionnaires passent en moyenne presque 3h par jour, c’est évidemment s’adapter au réchauffement climatique en créant des îlots de fraîcheur, mais aussi mieux gérer les eaux pluviales, se reconnecter à la nature, développer la biodiversité, offrir des opportunités pédagogiques, améliorer le cadre de vie et de travail des enfants et personnels, rechercher des usages plus mixtes et inclusifs, et même apaiser le climat scolaire. Donc une action aux qualités et vertus multiples !

École maternelle Émeriau Paris 15e ©️Laurent Bourgogne Ville de Paris
École Tandou Paris 19e ©CAUE 75
École maternelle Émeriau Paris 15e ©️Laurent Bourgogne Ville de Paris
École Kuss Paris 13e ©️Ville de Paris

Dans cet esprit, les projets communaux remplacent tout ou partie de l’enrobé (souvent foncé) par des sols dans lesquels l’eau s’infiltre, souples, clairs et parfois en matériaux naturels, comme le bois ou la pierre. Ils marient différentes strates végétales, des herbacés aux arbres de haute tige, en passant par les couvre-sols et les arbustes. Ils exploitent le relief, même minime, pour créer des chemins d’eau en surface. Ils intègrent des espaces de jeux traditionnels mais aussi plus insolites comme un sous-bois ou un mini-accrobranche, ainsi que des lieux d’apprentissage collectif en extérieur… autant d’éléments qui font baisser la température, et favorisent aussi l’observation, la découverte et la création chez les enfants.

École Kuss Paris 19e ©️ Ville de Paris
École Anne Frank Palaiseau ©️Le Parisien LP Cécile Chevallier

Pour ces projets de réaménagement des cours d’école, les communes privilégient la co-conception avec l’ensemble des usagers (élèves, enseignants, agents communaux périscolaires et d’entretien, parents), et s’inscrivent dans une véritable démarche participative.

Que dire du projet mis en œuvre à Fontenay-lès-Briis durant l’été 2021, et corrigé l’été dernier ?

1. Sur la conception du projet

Il y a manifestement eu un semblant de démocratie participative, avec un projet « soi-disant » validé par les enseignants et les parents-élus.
À notre connaissance aucun atelier de projet collectif n’a été organisé, et une présentation du projet déjà bien abouti aux enseignants et parents-élus, a eu lieu en juin 2021, à quelques semaines du début des travaux.
Le compte-rendu de cette réunion indique que « les enseignants sont désireux d’avoir plus de végétation dans la cour maternelle qui est sujette à des pics d’ensoleillement l’après-midi», que « le directeur de l’école (de l’époque) s’inquiète des billes d’argile », et qu’« un parent-élu demande s’il est possible de poser des revêtements moins durs dans la cour »… Ces observations et demandes à quelques semaines du début des travaux prouvent que le projet n’a absolument pas été co-conçu, et il est bien dommage qu’elles n’aient pas été prises en compte lors de la réalisation.

Il y a aussi eu manifestement une erreur de casting pour le choix du concepteur du projet, spécialiste de l’assainissement (gestion des eaux usées et pluviales), des zones humides et des cours d’eaux, mais pas du réaménagement de cours d’école.
Parce que rien n’a été anticipé (comme d’habitude), et qu’il faut aller vite pour que les travaux se fassent pendant l’été 2021, un devis est demandé au Syndicat de l’Orge pour une mission de réaménagement des espaces extérieurs du groupe scolaire, dont la cour maternelle, sans aucune mise en concurrence (contrairement à ce qu’exigent les statuts du syndicat pour une telle prestation de service, hors de son champ de compétence statutaire).
Ce devis est produit le 15 avril 2021, le projet de réaménagement de la cour maternelle est conçu à la va-vite dans la foulée, sa mise en œuvre intervient pendant l’été, mais ce n’est qu’au Conseil municipal du 27 septembre 2021, donc après les travaux, que la convention de maîtrise d’œuvre entre la commune et le syndicat est soumise au vote, et peut ensuite être signée par M. le Maire…

Une telle façon de faire, précipitée et sans porter attention à l’expérience et à la compétence du prestataire en matière de réaménagement de cours d’école, est symptomatique du manque total d’ambition attaché à ce projet de rénovation de la cour maternelle, sans parler du caractère juridiquement très contestable de son intervention.

2. Sur la nature du projet

Les choix de matériaux et d’aménagements ont manifestement été faits à l’opposé des exigences liées aux enjeux environnementaux actuels, et des pratiques communales un peu partout en France.
Sur environ 660 m² de cour rénovés pas un seul arbre de haute tige planté et susceptible d’offrir de l’ombre à l’âge adulte, ni un seul arbuste. Seuls 2 massifs étroits en pleine terre, mais non encore plantés aujourd’hui, en pied de façade de part et d’autre de l’accès à l’école maternelle. Et ce n’est pas la forêt, située en bordure Est de la cour maternelle, qui procure de l’ombre quand le soleil est plein Sud à midi et en début d’après-midi. Alors que les communes cherchent à planter au maximum leurs cours d’école, à Fontenay on oublie le végétal…

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Autour de la surface imperméable de sol souple mise en œuvre à proximité des nouveaux jeux, un large espace couvert de billes d’argile dans lequel les eaux pluviales s’infiltrent. Alors que les communes font de la gestion des eaux pluviales, une animation pour leur cour réaménagée, et une ressource pédagogique pour les enseignants, en créant de petites zones humides, des chemins d’eau plus ou moins ludiques ou des ponceaux, à Fontenay les surfaces perméables sont constituées de billes minérales et les eaux pluviales ne sont pas exploitées…

Enfin il y a cette grande surface en enrobé noir qui couvre le reste de la cour,  imperméable et qui favorise la hausse des températures au soleil. Alors que les communes limitent les surfaces d’enrobé de couleur foncée, et surtout le noir, privilégient autant que possible des surfaces drainantes, en intégrant des liants végétaux ou du liège, à Fontenay on préfère tartiner du noir comme autrefois… parce que ça ne coûte pas cher et c’est facile à nettoyer !

Ces choix techniques témoignent d’un projet de rénovation aux caractéristiques dépassées, totalement à contre-courant des pratiques actuelles.

3. Sur les correctifs du projet depuis 1 an

Les interventions depuis un an ont malheureusement encore renforcé le caractère minéral et imperméable de la cour maternelle, comme une cerise sur le gâteau déjà mal en point.

En dépit de l’alerte lancée par le directeur de l’école de l’époque lors de la réunion de présentation du projet de juin 2021, les billes d’argile ont été mises en œuvre sur de grandes surfaces, et dès la rentrée suivante, elles ont posé des problèmes de sécurité vis-à-vis des enfants, notamment du fait de leur dispersion hors de l’espace dans lequel elles étaient censées rester.

Pour résoudre le problème, 2 correctifs ont été tentés en cours d’année scolaire : la pose de grilles en plastique sur la surface concernée afin de stabiliser les billes, puis, le résultat n’étant pas satisfaisant, l’enrobage des billes par une résine, qui préservait, parait-il, la perméabilité de l’ensemble pour les eaux pluviales…

Ce procédé n’étant toujours pas suffisant, la décision a finalement été prise de rectifier l’ensemble des surfaces concernées pendant l’été 2022, avec de l’enrobé rouge, donc imperméable, et quelques linéaires de pavés béton avec joints plastiques ou enherbés, pour limiter l’imperméabilisation…

Sans bon sens, compétence et expertise, le résultat empire à l’issue des correctifs, au regard des objectifs environnementaux qui auraient dû guider le projet.

4. Sur le coût du projet

Au regard du résultat obtenu, les deniers publics n’ont une nouvelle fois pas été utilisés de la meilleure des façons. L’estimation établie en décembre 2020 au moment de la demande de subvention auprès de l’État au titre de la Dotation pour l’Équipement des Territoires Ruraux (DETR) 2021 était d’environ 134 500 € TTC. Les factures liées au réaménagement de la cour maternelle que nous avons pu identifier en consultant les mandats municipaux, totalisent environ 137 700 € TTC, hors rémunérations techniques de géomètre et maîtrise d’œuvre.

Au titre de la DETR 2021, la commune a touché 48 674 €, consacré en grande partie au réaménagement de la cour maternelle, et le fond de compensation de la TVA devrait lui reverser environ 18 800 €, soit un reste à charge de la commune pour ces travaux de l’ordre de 75 000 €, hors honoraires techniques. À cela s’ajoutent le coût des 3 reprises de travaux successives opérées depuis 1 an, aux frais du Syndicat de l’Orge, et donc aussi des contribuables fontenaysiens… 
L’usage de nos impôts pour un projet aussi arriéré, laisse un goût amer, et l’impression d’une belle occasion manquée.

Et qu’aurions-nous fait si nous avions été associés au projet dès l’amorce de sa réflexion ?

Dès la campagne des élections municipales de 2020, nous, les élus Altern@tive Fontenay, avons travaillé sur les actions à entreprendre sur le groupe scolaire communal Georges Dortet, compte tenu des problématiques qu’il rencontrait, et qui étaient de notoriété publique.

C’est ainsi que nous avons été en mesure, après notre prise de fonction fin mai 2020, de proposer dès février 2021, donc seulement 8 mois après, un projet complet pour le groupe scolaire, échelonné de 2021 à 2024. Ce projet portait principalement sur la cantine, l’office et les locaux périscolaires, mais il comprenait également une proposition de réfection totale des cours élémentaire et maternelle (dès l’été 2021 pour cette dernière), avec notamment l’objectif d’une forte végétalisation.

Exclus du groupe de travail consacré au bâtiment périscolaire début 2021, et « punis » pour avoir osé réfléchir, travailler et présenter publiquement un projet complet et solide pour le groupe scolaire communal, nous n’avons ensuite jamais été associés, ni informés du projet relatif au réaménagement de la cour maternelle.

C’est regrettable car nous sommes convaincus qu’il aurait été possible de travailler collectivement sous forme d’ateliers avec tous les intervenants concernés au cours du 1er semestre 2021, accompagnés d’un maître d’œuvre correctement choisi, pour réaliser un tout autre projet de réaménagement de la cour maternelle, pour un budget équivalent et peut-être moindre, car le végétal coûte en général bien moins cher que le minéral. En particulier nous aurions associé à la conception du projet le Parc Naturel Régional (PNR) de la Haute Vallée de Chevreuse dont les équipes travaillaient sur le sujet de la végétalisation des cours d’école (cf. extrait de l’Écho du Parc de mai-juin 2021 ci-dessous), et qui aurait pu contribuer au financement de notre projet fontenaysien, comme il l’a fait à Magny-lès-Hameaux. À croire qu’être une commune membre du PNR, c’est juste quand cela arrange !

PNR HVC - Extrait Écho cour école - mai/juin 2021
Cour maternelle Corot Magny-lès-Hameaux ©️AirZen Radio

Au lieu de cela, nous constatons aujourd’hui à notre plus grand regret que la cour rénovée de l’école maternelle Georges Dortet est un superbe îlot de chaleur comme on n’en fait et n’en veut plus, totalement à contre-courant de toutes les pratiques en cours depuis déjà de nombreuses années. Et qu’on ne nous dise pas que l’aménagement paysager de la partie Nord de la cour donnant sur les champs, à venir normalement en 2023, justifie l’extrême minéralité de sa partie Sud !

Et comme si un beau raté ne suffisait pas, la commune poursuit sur sa lancée avec, cette fois-ci sur la cour élémentaire, un projet de bâtiment périscolaire qui va nécessiter de couper quelques arbres, et dont l’ambition architecturale et environnementale n’est pas à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui, en dépit d’un coût prévisionnel très conséquent. Nous aurons l’occasion d’y revenir.